L’île de Flores : le sublime entre terre et mer

« Tanah air ».

C’est le nom que les indonésiens donnent à leur immense territoire. Comprenez « terre et eau ». Car ces plus de 17 mille îles parsemées de 400 volcans sont une symphonie inachevée entre cette végétation abondante et les flots. Des montagnes découpées, cisaillées par les siècles, des sommets qui tutoient le ciel bien au dessus des nuages. Des cratères tantôt profondément endormis depuis la nuit des temps, d’autres à peine assoupis et prêts à se réveiller dans un vrombissement de lave et de magma. « Tanah air », la terre, l’eau … et le feu. C’est le spectacle grandiose que nous offre ce pays majestueux. Et vu du ciel, dans nos minuscules avions de toile, la nature est surpuissante. Ahurissante. Des sommets ciselés, de gigantesques nuages en bouquet, du ciel bas au ciel lourd, des forêts tropicales humides à perte de vue ; le combat est inégal : C’est David contre Goliath. Aucune « vache » (des terrains plats dans le jargon aéronautique) pour atterrir en cas de panne ; que des cocotiers par milliers, des fougères géantes, la jungle et son immense canopée. Ces forêts si importantes pour la neutralisation et la transformation des gaz à effet de serre représentent deux tiers du territoire. Le reste ce sont des vallées escarpées, des gorges, des falaises, des rizières en paliers et dans ce tumulte de diagonales en tous sens, de petits villages perchés à flanc de montagnes. Des huttes de paille, des cabanes de tôles, parfois des villes plus imposantes pour abriter les 242 millions d’Indonésiens… Le décor est planté : C’est là que nous vous emmenons. Plus de quatre heures de vol pour relier Kupang au Timor à l’île de Flores. 354 nautiques d’émerveillement face à la beauté de la nature. Pour ce vol inoubliable, je fais équipe avec Pierrot, alias Pierre Hallet. Nos deux paires d’yeux à l’affût et ce paradoxe qui nous vient à l’esprit. Comment une nature si puissante peut-elle être menacée ? Car le réchauffement de la planète n’épargne pas l’Indonésie.Pas plus que  la main de l’homme d’ailleurs. Hormis les pollutions domestiques et industrielles, les deux plus grande menace pour les forêts sont l’agriculture intensive et l’exploitation minière. D’en haut nous survolons ces terres cultivées, ces rizières en palier. Plus loin, comme souvent un propriétaire fait brûler des parcelles pour les cultiver. Des arbres en moins font place à l’ancestrale culture sur brûlis. Le tout bien sûr est de trouver le juste équilibre entre les besoins de cette immense population et la préservation de ce patrimoine naturel. Après ce long vol à planer au dessus des eaux sauvages, nous approchons de Labuan Bajo à l’extrême Ouest de Flores. « L’île de Peter Pan » s’écrie Pierre émerveillé par ces terres volcaniques que nous survolons. Quelques nautiques plus loin, nos avions touchent presque des ailes l’eau verte d’un lac sublime dans le cratère d’un volcan. Au loin le soleil couchant couvre d’une lumière divine l’archipel des îles Komodo et Rinca. Du soleil dans les yeux et la piste de Lubuan Bajo en Vue. Visiblement, aucun avion n’y est attendu. En finale, Olivier et Jean y aperçoivent une foule de gens. Les uns y courent. Les autres y roulent à moto. Avant tout de même de céder la place à nos quatre oiseaux blancs. L’accueil est à la hauteur du vol. Grandiose. Des dizaines d’enfants et d’adultes nous attendent. Effervescence. Fous rires, excitation. Les plus grands tout à l’affaire de pouvoir aider à garer nos ULM, les plus petits posant pour la photo en criant « helloooo ». Les sourires se croisent. Celui d’un vieil homme du village de pêcheurs, ceux de Ati, Méga et Eline, trois fillettes complices qui nous offrent le plus beau des rayons de soleil. La nuit va bientôt tomber. Il nous faut calmer l’ardeur de ce beau monde qui touche tant et plus à nos étranges montures. Il nous faut trouver celui qui veillera à la sûreté de nos appareils. Nous quittons l’aéroport de Komodo  avec des émotions indicibles dans le cœur. La nuit sera courte. Demain nous irons voir les fameux dragons de Komodo. Ces lézards de près de trois mètres sortis de nulle-part. Une espèce en voie de disparition que les indonésiens protègent jalousement. Entre terre et mer. Sur une île. Entre « Tanah et air ».