Komodo ou les dragons de Jurassic Park

Imaginez… Des collines accidentées, à l’état brut comme si vous étiez à des millions d’années d’ici. La mer qui se jette sur les mangroves et derrière les palétuviers endormis  un spectacle assourdissant. D’énormes feuilles sechées de cocotiers craquent dans le vent perturbant le silence pesant qui règne en ce royaume d’ailleurs. Palais des buffles aux cornes immenses dénommés « water buffalos » qui tantôt déambulent dans la l’envahissante végétation, tantôt s’enfouissent dans la pénombre des ruisseaux et des bains de boues grisâtres pour trouver un petit coin de survie. Un instant de répit.

 Imaginez… des pierres et des rocs qui se dérobent sous vos pieds, des sous-bois de jungle comme seuls abris face au soleil qui cogne sur les pentes et les plaines où seuls les arbres centenaires tiennent fièrement tête à la boule de feu céleste. … Imaginez, cette chaleur humide qui vous met en transe avec rien d’autre qu’une trop fine brise pour essorer l’écume de peau. Ces serpents dont la très dangereuse « green pit viper » , d’un vert presque fluorescent, qui du haut des arbres guette le moindre de vos gestes. Et ces primates qui cachés dans la pénombre vous narguent du coin de l’œil. Hormis cette nature débordante, pas d’âmes qui vivent… et nous sur le qui-vive dans cet immensité sublime de désolation.
 
 C’est un monde à part. Un univers qui vous propulse en quelques secondes vers la préhistoire. Deux heures trente de navigation sur un vieux rafiot au départ de Labuan Bajo à l’extrême Ouest de la belle Flores pour découvrir l’intrigante île de Rinca dans le parc national de Komodo.  Etrange décor pour un face à face inouï avec l’une des espèces animales les plus rares au monde : Le dragon de Komodo. Un lézard géant pouvant atteindre trois mètres de long et peser cent kilos… Une espèce découverte par deux explorateurs hollandais en 1910 et qui est désormais en voie d’extinction. De plus de trois mille dans les années 90, on en compte désormais moins de 2400. A peine débarqué du ponton que le premier de ces monstres d’écailles lézarde, débonnaire, vers nous. Mais cette nonchalance cache un réel danger. Il faut toujours se méfier d’une eau qui dort. Quelques jours plus tôt un de ces « dragons » s’en est pris à un garde du parc national. Une morsure fatale. Le malheureux s’est vidé de son sang sans qu’on puisse le sauver. Nous serons donc aussi prudent que possible à Jurassic Park. Car ces lézards sont féroces nous explique Sakarias Salim, l’un des gardiens du temple qui ne quitte pas des mains sont grand bâton fourchu… au cas où… Et de fait en pleine forêt l’un des reptiles que nous repérons s’emballe. A un mètre de nous, il secoue puissamment son corps pour regagner son nid, sous terre. Le terrier se trouve face à nous. Panique. Jambes au cou. Sauve qui peut. Le guide du parc n’a pas eu la force de le retenir à la fourche. Le dragon retrouve sa cache. Tout est bien qui finit bien.
Le dragon de Komodo, « Ora » dans la langue indonésienne est un lézard surpuissant et imprévisible. Une longue queue en guise d’arme, des dents aiguisées à l’extrême d’où s’échappe une longue langue jaune fourchue. Un odorat hors du commun qui lui permet de localiser ses proies : Des insectes, des oiseaux mais pas seulement . La bête immonde est capable d’étendre sa cavité buccale pour avaler d’un trait une chèvre. Et sa proie favorite est le Buffle qui, une fois mordu et atteint par les bactéries mortelles du Dragon, mettra quinze jours de lente agonie pour passer de vie à trépas. Témoignage de cette impitoyable loi de la jungle, les crânes que l’on retrouve çà et là sur le chemin.
 
« Ora ». D’où vient-il ? pourquoi n’existe-t-il qu’aux alentours de Komodo? Mystère. Seule certitude, les organisations de protection de la nature tente de sauvegarder l’espèce. Le site est classé patrimoine mondial de l’UNECSO.  Pas seulement pour ces dragons mais aussi pour la richesse de sa faune sous-marine : Dugons, raies mantas, entre-autres. Désormais nous explique Sakarias, il ya urgence de protéger ce joyau dévasté peu à peu par une pêche intensive. Les bancs de poissons s’amenuisent, les coraux souffrent sans compter que le réchauffement redouté de la température de l’eau pourrait anéantir tout cet écosystème. Le sable aussi se réchauffe et menace la survie des œufs des tortues de mer. Quelques heures plus tard en survolant à base altitude ses terres hostiles à l’hostilité des hommes, mon esprit s’évade :  
 
Imaginez-vous un monde sans coraux, sans tortues, sans raies, … sans dragons? Sans cette végétation luxuriante qui fait de notre planète un joyau. Imaginez…