De Birmanie au Bangladesh

Si atterrir au Myanmar est  inédit, en repartir l’est tout autant. Ca n’a l’air de rien mais il nous faut du fuel ; en fait de la simple essence pour voiture. Mais au pays de la liberté bridée, on n’obtient pas de carburant d’un simple claquement de doigt. Il nous faudra passer par le marché noir pour remplir nos nourrices. Une opération commando de deux jours. Olivier Stul et Pierre Hallet s’en chargent. Une première nourrice de 52 litres remplie en soirée puis le refus du pompiste de continuer l’opération. Pacte est passé avec un courageux chauffeur de taxi qui imagine le plan d’attaque qui nous tirera de ce mauvais pas. Rendez-vous est pris à six heures du matin le lendemain. Le brave homme nous l’avoue : il n’en a pas dormi. Il remplira trois fois d’affilée le réservoir de sa voiture, nous rejoindra dans un quartier calme et là, en inclinant le véhicule avec un cric, nous siphonnerons  en tout 250 litres pour ensuite transvaser l’or noir (en réalité une étrange couleur framboise) dans nos nourrices rétractables. Reste à  acheminer discrètement « la marchandise »vers l’aéroport.  Le Earth challenge a pu compter sur la débrouillardise de cet homme au grand cœur. Il gardera de nous quelques précieux dollars et le drapeau de l’expédition : Good Luck friends… Le temps de remplir les réservoirs des ULM et nous quittons à regret les birmans pour survoler à nouveau leur pays magnifique. Direction le Bangladesh. 428 Nautiques, 790 kilomètres, près de cinq heures d’un vol exceptionnel. Nous survolons le fleuve Gamon. Cà et là, un bateau ensablé transformé en abris de fortune,  de vieux rafiots au moteur usé laissant échapper des trainées de pollution. L’environnement n’est en rien la préoccupation de ce pays exsangue, maintenu sous perfusion par la Chine qui pille ses précieuses réserves de teck et par la Russie et la France qui en exploitent les ressources naturelles. Pétrole, gaz, minerais précieux… Du ciel, toute la pauvreté des birmans éclate au grand jour.  Les paysans sont au champ, faucille à la main ; les bœufs tirent les charrues en bois ; Pas une voiture, une route, un signe de modernité à l’horizon. Mais des pagodes par centaines. Sorties de nulle-part au milieu de la jungle birmane. Et de fiers cocotiers qui donnent au paysage des allures préhistoriques. Jean Pen et Pierre Hallet assurent ce vol en solo à bord de nos « avions cargos ». Stul et Jean-Claude voltigent ensemble. Nos ULM volent en formation serrée vers le Bangladesh. Le passage du massif montagneux de Rakhine Yoma  nous tend un piège. Un vent rabattant en rouleau balaye l’une des ailes de l’ULM que j’occupe avec Olivier Ronveaux. Cinq longues secondes de choc pour enfin reprendre le contrôle de l’appareil et remettre en place tout ce qui s’y trouve désormais sans dessus-dessous. Cette expédition est tout sauf un long fleuve tranquille…   Tout comme d’ailleurs la vie de ces bengalis habitant cette région côtière plate et vulnérable à la moindre montée des eaux des océans. L’essentiel du pays est occupé par le delta du Gange et du Brahmapoutre. Une plaine fertile régulièrement balayée par les cyclones et les inondations. En Novembre 2007, le cyclone SIDR y faisait 3300 morts… Les experts estiment que 50 pourcent des terres seront inondées si les eaux des océans s’élèvent d’un petit mètre…  Sous nos ailes les marais du Golfe du Bengale offrent des couleurs rouille et verte étonnantes. Plus une pagode à l’horizon mais les cheminées de nombreuses briqueteries qui parsèment les vallées.  Un vol inoubliable comme notre atterrissage sur la piste de l’aéroport international de Chittagong. Nos moustiques sont en formation. Final haletant ; un avion de chasse de type jaguar est dérouté par la tour de contrôle. Atterrissage sans encombre. Accueil chaleureux des autorités locales. Tandis que de petites libellules prennent position sur  nos antennes, les MIG soviétiques de l’armée du Bangladesh  ne cessent de décoller de la base militaire de l’aéroport. L’inédit birman a fait place à l’insolite Bangladesh…