L’exceptionnel Baloutchistan

 Des allures lunaires, des reliefs façonnés par le temps, des pics érodés par dizaines de milliers dans un désert époustouflant, ce survol restera l’un des plus beaux de notre expédition. Il nous faudra trois heures pour franchir les 268 nautiques qui séparent Karachi de Gwadar à quelques kilomètres de la frontière iranienne. Une région aussi belle qu’hostile : Le sauvage Baloutchistan abrite cent mille personnes et, du ciel, offre des paysages à couper le souffle. Pour y parvenir, l’agent de Flight service a pris place dans un de nos ULM. Costume cravate, deux bouchons d’oreille en guise de casque, cet homme n’a jamais volé dans ce genre de moustiques de toiles et de tubes.  C’est sûr il ne l’oubliera jamais ; comme nous d’ailleurs. Après deux photos « volées » car interdites sur le tarmac de l’aéroport international, nous quittons Karachi par la côte. Sous nos ailes, une cité gigantesque, une mosquée majestueuse au milieu de milliers de buildings ; plus loin, des camions citernes par centaines dessinent un étrange jeu de mikado. Des navires porte-conteneurs embarquent vers l’océan ; au milieu de l’eau de petites îles elles aussi phagocytées par le bitume et le béton. La tour dévie notre itinéraire afin d’éviter des zones d’entrainements militaires. 20 nautiques en mer pour survoler ensuite  « Ormara town » dans le désert puis le petit aéroport militaire de Pasni. La côte est du Pakistan est splendide. Le désert qui nous mène vers le Nord d’une beauté inouïe. Je partage ce vol inouï avec Pierrot. Nos ULM flirtent avec les sommets finement ciselés de ce désert grandiose. Plus loin un cours d’eau aux reflets émeraudes longés par quelques bédouins et chameaux. Des dunes s’évadent en zigzaguant dans le sable brûlant ; comme le font ces fougueuses « queues  du diable » qui emportent dans les airs des tourbillons de sable.  Au sol, le temps semble s’être arrêté. Le long de la côte quelques villages typiques endormis dans la torpeur d’un après-midi suffocant. La ville de Gwadar n’est plus loin. Approche parfaitement négociée pour nos oiseaux blanc et bleu. Accueil très sympathique des autorités locales qui n’ont qu’une obsession : Assurer notre protection. Interdiction formelle pour nous de se rendre en ville. La veille deux attentats y ont fait trois morts et les occidentaux ne semblent pas les bienvenus pour tous dans cette lointaine contrée du Baloutchistan. Nos passeports seront gardés jusqu’au lendemain par les autorités aéroportuaires. L’après-midi sera  consacrée aux réparations des petites casses sur nos avions. Olivier Ronveaux et Alexandre Gallina entreprennent également un entretien approfondi des quatre machines avant la très longue traversée maritime du lendemain. Quant au refuelling, il n’y a pas d’Avgas. Pour des raisons de sécurité,toujours, ce sont des militaires et notre agent pakistanais qui iront remplir nos nourrices à la station essence de Gwadar. Aucun d’entre-nous n’est autorisé à accompagner… La nuit va bientôt tomber sur le désert. Deux 4x4 sirènes hurlantes, avec des hommes armés jusqu’aux dents, encadrent le minibus qui nous mènent vers notre prison dorée : Un hôtel surprotégé qui surplombe la magnifique baie de Gwadar. C’est là que nous passerons la nuit à rêver après une journée inouïe passée dans le ciel de l’exceptionnel Baloutchistan.