Un vent de liberté sur les îles éoliennes

 Point de tramontane, de foehn , de mistral, d’alizées ou d’harmattan. Juste une bise. Un souffle léger. Un vent de liberté. Nous quittons la Sicile par le Nord et survolons le bassin Tyrrhénien de la mer méditerranée. Le Dieu Eole nous murmure à l’oreille… souffle pur vers les îles éoliennes. Au loin, des lopins de terre en colère au milieu des flots. Des cratères toujours impressionnants. Le Vulcano d’abord : Le Dieu romain du feu a donné son nom à cet étrange volcan. Il culmine à 390 mètres et dompte d’effrayantes plages de sable noir. De son cratère s’échappe les fumerolles de souffre ballotées par les vents. Ces vents qui nous propulsent vers le majestueux Stromboli ; le plus actif des volcans européens.  Ses éruptions continues depuis  plus de deux millénaires lui ont valu le surnom de « phare de la méditerranée ». Il  prend naissance à 2000 mètres sous la mer pour culminer à plus de 900 mètres. Un vol inoubliable que je partage avec Jean Pen. Nos ULM voltigent ; se sentent pousser des ailes… Au large le ciel est sombre. Noir. Mais pour tenir tête à Eole, Ra, le Dieu du soleil envoie sur la mer des rayons d’une éclatante beauté. Le temps se gâte de plus en plus. Nous espérions voler jusqu’à Rome. Quatre heures de vol plus loin, il nous faut atterrir. Trouver une piste d’atterrissage à la hâte. C’est à Capua au Nord de Naples que nous ferons escale. Une piste en gazon, détrempée, bordant une base militaire. Sur place, pas une âme qui vive. L’aérodrome est fermé mais nous n’avons pas le choix. Nous nous posons ; franchissons l’imposante barrière pour revenir de nuit, les bras encombrés de lourdes nourrices,  faire le plein de nos ULM. Cette fin d’expédition a pris les allures d’un raid spartiate. Une très courte nuit plus loin, nous redécollons pour l’une des étapes les plus périlleuses du  « Earth Challenge ». La plus longue également. Luc Trullemans nous a prévenus. Si on veut avoir une chance de vous retrouver ce samedi 5 décembre à Charleroi, il faut impérativement passer les alpes. Après le ciel se refermera et emprisonnera nos montures pour plusieurs jours. Nous allons donc nous faire violence. Voler 7 heures d’affilée, survoler la splendide toscane, tutoyer d’autres éoliennes des temps modernes, surplomber d’immenses nappes de nuages. L’Italie nous offre ce qu’elle a de plus beau : De petits villages perchés à flanc de colline, des ruines au sommet d’une montagne, un pont gallo-romain au creux d’une vallée… A l’Ouest, la ville de Florence, son dôme, son ponte Vecchio ; Souvenirs d’adolescence : Ce fût l’un de mes premiers voyages…  Le vent souffle toujours et doucement Eole nous mène le long de la chaîne montagneuse des Apennins. Des sommets enneigés comme mise-en-bouche d’une autre traversée aussi haletante que périlleuse. Celle des Alpes et de son immaculé mont blanc. Ce survol, jamais je ne l’oublierai. Nos « coyotes » sont lourd ; ils peinent à monter : 46 nœuds seulement par moments et Eole qui se déchaîne en bourrasques. Des vents tournants à 75 kilomètres à l’heure, d’autres rabattants, le souffle coupé et  le gel qui vous fige derrière le manche.  Huit degrés sous zéro… Une heure vingt minutes d’un survol inouï. Sous nos ailes, la blancheur des sommets,  brise de bonheur pur et la vallée qui en bouquet final se jette dans le lac Léman. Ce vol nous mènera à Dijon-Darois. Là un vieux complice du ciel. Eole nous a poussé jusqu’à lui. Son accueil sera celui de l’amitié: Pierre van de Vyvere fût de l’aventure africaine d’ULM sans frontières. Il est des nôtres l’espace d’un instant. Le temps d’un souffle. Ce soir une légère bise rafraichit singulièrement l’atmosphère. Il fait humide. J’ai froid. Mon esprit s’évade, balayé par un formidable vent de liberté.